Les montres, c’est un truc de mecs. C’est comme ça, les hommes aiment les montres, de préférence les grosses montres, celles qui claquent. Du verre, de l’acier. La montre, dans l’inconscient collectif des hommes, c’est peut-être un signe de virilité ? Moi qui vous parle, j’ai toujours eu des montres, pendant toute mon adolescence et comme j’étais un adepte de la plongée, habitant en Bretagne dans une zone maritime, je portais une plongeuse, une Seiko. Et comme j’étais tête en l’air, j’ai perdu un nombre impressionnant de montres.
Ce qui a expliqué le fait que j’ai finalement renoncé aux montres, pendant des années. Il y a trois ans, pourtant, j’ai acheté une plongeuse, une Seiko évidemment. Je ne me voyais pas porter autre chose. Honnêtement, je ne goûte guère au clinquant d’une Rolex et – surtout ! – je ne me vois pas mettre quinze mille euro dans une montre. En revanche, je ne me vois pas non plus porter une montre hommage. Et là vous me dites ? Une montre hommage, qu’est-ce donc ?

De l’hommage à la contrefaçon.
La montre hommage est à la montre de luxe ce que le Canada Dry est à l’alcool. Ça en a l’apparence, ça a en a la couleur, mais c’est pas de l’alcool. La montre hommage – ou la homage watch en anglais dans le texte – est une tendance qui se développe depuis plusieurs années. Pour la plupart venues de Chine, mais portant des noms qui fleurent bon les marques européennes, elles vous proposent une part de rêve pour un prix souvent dérisoire.
Ainsi, vous pouvez porter à votre poignet une Pagani Design qui ressemble à s’y méprendre à une mythique Rolex Submariner, pour quelques dizaines d’euro. Soit, en pratique, deux cent fois moins cher que l’illustre montre suisse. Et là vous me dites le mot qui fâche. Contrefaçon. Les adeptes de ce type de montre vous répondront qu’il s’agit d’un hommage, pas d’une contrefaçon. Les codes visuels sont repris, certes, mais pas le nom, pas le logo…
• Hommage ou contrefaçon. Où est la limite ?
Pour répondre clairement à cette question, de l’hommage à la contrefaçon la limite est ténue. Qu’il n’y ait pas écrit Rolex sur le cadran d’une Pagani c’est une chose, j’ai envie de dire un prétexte, une excuse. En revanche, quand vous mettez côte à côte une Rolex submariner et ce qu’il est convenu d’appeler sa copie chinoise, il n’y a pas photo. En apparence, il s’agit de deux montres identiques. Porter une Pagani (ou toute autre marque exotique, car les chinois sont de grands spécialistes des marques fantômes), peut donner l’illusion de porter une Rolex. Naturellement, me direz-vous, en apparence seulement. Certes, même si à y regarder de plus près, on réalise que la liste des fonctionnalités proposées par les copies chinoises n’ont rien d’anecdotique.

Ici on parle de boîtier en acier, de verre saphir de qualité, de lunette céramique, de couronne vissée, d’étanchéité à 100 mètres, de bracelet métallique, … Le tout emmené par un mouvement made in Japan, un Seiko NH35. Tout est soigné, propre, jusqu’au jeu d’aiguilles dont l’aiguille Mercedes qui marque les heures sur toute Oyster Perpetual qui se respecte. C’est là, sans doute que la bât blesse. En achetant une Pagani, vous n’avez pas de toute évidence une Rolex mais vous n’avez pas une montre de mauvaise qualité pour autant. N’empêche. Qu’on le veuille ou non, une montre hommage est une contrefaçon qui ne dit pas son nom. D’ailleurs qualifier une copie du terme hommage, c’est déjà justifier la contrefaçon. L’hommage, dans le cas présent, est juste un prétexte.
• La tendance Mod.
Un autre versant de l’hommage est la pratique du mod, pour modification. Là encore, il peut y avoir dérive. Prenons un exemple, ma montre Seiko SKX009J. Lorsque je l’ai achetée, je l’ai faite modifier. Je voulais qu’elle soit améliorée et par voie de conséquence unique et elle l’est, de manière assez discrète. Verre saphir double dôme, couronne siglée Seiko. C’est un mod assez léger, si on le compare à d’autres montres modifiées à la hussarde.

Mais la tendance mod peut aller nettement plus loin et flirter avec l’illégalité. Prenez une simple montre Seiko SKX, remplacez son cadran par celui d’une Seiko vintage 6105, le jeu d’aiguilles si caractéristique (la trotteuse si reconnaissable avec son extrémité rouge) et vous obtenez une copie presque parfaite de la légendaire Captain Willard (du film Apocalypse now de Francis Ford Coppola). Montre dont la réédition officielle chez Seiko s’affiche aujourd’hui à 1350€.

Pas convaincu ? OK. Prenez la même Seiko SKX. Changez le cadran pour un cadran aftermarket estampillé « Seiko Marinemaster Automatic Professional 300M », ajoutez un jeu d’aiguilles caractéristiques de la MM300 et le bracelet rubber noir de la Marinemaster. Tadaaa ! Vous voilà fier propriétaire d’une Marinemaster 300 pour le prix d’une SKX. À 3000€ la Seiko Marinemaster vous n’avez pas perdu votre journée. Mais en utilisant une montre Seiko d’entrée de gamme pour en faire une Seiko haut de gamme (du moins en apparence), vous avez réalisé une contrefaçon, que ça vous plaise ou non.
• Hommage, sans moi.
J’aime les montres en général, Seiko en particulier. J’ai une Seiko 6139 qui date de la fin des années 70, que je porte peu, surtout depuis que j’ai ma SKX009J. J’aimerais beaucoup avoir une Marinemaster 300, voire une réédition officielle de la 6105 (même si son côté militaire me rebute un peu). Le prix de la Prospex MM300 est un frein évident, il faut compter plus de 2000€ et pour moi c’est hors budget. Et que m’apporterait-elle de plus que mon actuelle SKX009J ? Une meilleure précision, une réserve de marche plus accrue et bien sûr l’indicible plaisir de porter une MM300 ! En revanche, je ne me vois pas porter une mod MM300, encore moins une montre hommage. Finalement, c’est pour moi une question de morale, de respect vis à vis d’une marque que j’aime depuis toujours. Comme un acte manqué, une trahison, une insulte à mon passé.
• voir le site officiel de Seiko
• lire le test de la Seiko Marinemaster 300 sur le site Le Petit Poussoir